Droit immobilier

Une contrainte supplémentaire pour les propriétaires de constructions classées au niveau communal : la ministre de la Culture s’en mêle !

Une contrainte supplémentaire pour les propriétaires de constructions classées au niveau communal : la ministre de la Culture s’en mêle !

 

Les propriétaires de bâtiments classés au niveau communal – par voie donc de règlement communal, respectivement de plan d’aménagement général (‘PAG’) – connaissaient probablement[1] les prescriptions qui s’appliquaient à leur immeuble.

 

Ces contraintes se trouvent dans les plans d’aménagement eux-mêmes, lesquels prévoient généralement plusieurs types de protections - « construction à conserver », « gabarit à préserver », « alignement à maintenir », etc. -, avec des prescriptions, plus ou moins contraignantes, propres à chacun des types de servitudes.

 

Désormais, une nouvelle obligation est venue encore s’ajouter pour les propriétaires concernés par ces constructions protégées au niveau communal, et il est important de ne pas la négliger.

 

En effet, la nouvelle loi du 25 février 2022, relative au patrimoine culturel prévoit que[2] :

 

 « Sans préjudice des mesures applicables en matière d’aménagement du territoire et d’aménagement communal, le propriétaire d’un bien immeuble retenu au jour de l’entrée en vigueur de la loi comme construction à conserver par un plan d’aménagement général d’une commune, doit informer le ministre de tout projet de démolition, totale ou partielle, et de la transformation de la construction à conserver, cela au plus tard au moment de l’introduction de la demande de l’autorisation de construire ou de démolir ».

 

Une omission à cette nouvelle obligation d’information constitue une véritable infraction pénale qui peut, suivant ladite loi, conduire à une amende de 500,00 à 1.000.000,00 d’euros !

 

Or, malheureusement, le texte déterminant l’infraction manque cruellement de précision puisque la terminologie employée de « construction à conserver », pourrait le cas échéant devoir viser d’autres types de bâtiments à conserver, dans les secteurs protégés d’intérêt communal (voir article 32 du règlement grand-ducal modifié du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d'aménagement général d’une commune), tel que par exemple les « gabarits à conserver », les « petits éléments du patrimoine à conserver », etc.

 

Il se pourrait toutefois que le prédit texte soit alors considéré – s’il devait viser ces autres constructions protégées par les PAG – comme étant contraire au principe constitutionnel de légalité des peines (voir par analogie l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 00138 du 6 juin 2018).

 

Une fois informé, le ministre dispose d’un délai de 3 mois pour initier une procédure de classement individuel de l’immeuble concerné. Passé ce délai le projet est censé être agréé.

 

La loi n’indique pas si les travaux peuvent être directement entamés avant l’échéance de ce délai de 3 mois, si le projet venait à être autorisé avant par le bourgmestre[3].

 

Cette obligation d’information au ministre demeure aussi longtemps qu’un « inventaire du patrimoine architectural », pour la commune où se trouve le bien, n’aura pas été publié.

 

Nous reviendrons plus longuement, dans un article prochain, sur cette nouvelle procédure de classement – qui se fera désormais en principe par voie de règlement grand-ducal[4] - laquelle prévoit la publication préalable d’un inventaire, commune par commune, ainsi que de la possibilité pour le ministre de classer individuellement un bien aussi longtemps que le règlement grand-ducal concernant une commune n’a pas été adopté.

 

Dès lors que, en vertu d’un adage bien connu, « Nul n’est censé ignorer la loi » (même si celle-ci devient de plus en plus complexe et fournie) le lecteur avisé n’oubliera donc pas de veiller au respect de cette nouvelle obligation si son immeuble est concerné, ainsi que de rester attentif aux publications futures émanant du ministère de la Culture.

 

 

Me Sébastien COUVREUR

Partner – avocat à la Cour

 &

Me Élie DOHOGNE

Avocat à la Cour

 

 

 

 

 

 



[1] Quoique, rappelons qu’aucune notification de la protection de leur immeuble, ni des règles y relatives, ne leur a été faite, puisque la loi ne prévoit malheureusement pas une telle garantie pour le citoyen, même si la mesure touche sensiblement leur droit de propriété.

[2] Article 129.

[3] Rappelons que le bourgmestre dispose en principe d’un délai de 3 mois pour prendre position par rapport à une demande de permis de bâtir, mais il pourrait potentiellement prendre sa décision plus rapidement. Passé ce délai, il est considéré qu’une décision implicite de refus est intervenue.

[4] Notez d’ores et déjà qu’aucune notification individuelle des propriétaires des immeubles concernés n’aura lieu dans cette nouvelle procédure de principe (au contraire de ce qui était prévu dans la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux). Les auteurs de cet article déplore qu’aucune notification individuelle ne soit prévue, ce qui constitue en une diminution des garanties des administrés.

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