Projet de loi « zone verte bis »
Projet de loi « zone verte bis »
Déposé à la Chambre des Députés le 9 juillet 2025, le projet de loi n° 8578 vise à permettre aux commune la possibilité de prévoir la création d’une nouvelle zone dans leurs PAG, appelée « zone verte bis », ce qui implique une énième modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.
Selon les auteurs du projet de loi, « la nouvelle « zone verte bis » a pour vocation de couvrir les parties du territoire national qui sont déconnectées des zones urbanisées et qui abritent des constructions pouvant connaître des travaux de moindre envergure, ainsi que, le cas échéant, des changements d’affectation. ».
La « zone verte bis », serait définie comme suit par le projet de loi : « une zone qui couvre des parties du territoire national déconnectées des localités, qui accueillent une ou plusieurs constructions existantes au sens de l’article 7, paragraphe 1er, qui ne remplissent pas ou plus les conditions de l’article 6 et qui, au moment du vote du conseil communal conformément à l’article 10 de la loi précitée du 19 juillet 2004, existent depuis au moins vingt ans. La preuve de l’existence de la construction depuis au moins vingt ans incombe à l’administration communale ».
Parallèlement, un projet de règlement grand-ducal portant modification du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d'aménagement général d’une commune, a été approuvé par le Gouvernement en conseil. Il n’a pas encore été publié au Journal officiel.
Il vise à définir la constructibilité et les activités admises dans la « zone verte bis » :
« Art. 27bis. Zone verte bis [Vert-b]
En zone verte bis sont admis des extensions et des aménagements d’envergure modérée sans pour autant que le nombre d’unités de logement ne se voit augmenté, à l’exclusion des logement intégrés.
Pour les constructions existantes, les extensions de celles-ci ainsi que les aménagements d’envergure modérée, les prescriptions dimensionnelles ainsi que le mode d’utilisation du sol admis sont établis de manière à ne porter qu’une atteinte non significative à l’environnement naturel et au paysage.
Pour chaque parcelle, doivent être réglementés au moins les éléments suivants :
1° le mode d’utilisation du sol ;
2° les reculs des constructions par rapport aux limites cadastrales et, le cas échéant, par rapport
à la délimitation de la zone verte bis ;
3° le type et l’implantation des constructions hors sol et sous-sol ;
4° le nombre de niveaux hors sol et sous-sol des constructions ;
5° les hauteurs des constructions ;
6° la forme des toitures ;
7° le modelage du terrain ;
8° l’aménagement des espaces extérieurs privés ;
9° les constructions et les éléments naturels à conserver ;
10° la couleur et l’emploi des matériaux. ».
Il appartiendrait donc aux communes de modifier leurs PAG pour créer de telles « zones vertes bis » sur leur territoire, et de définir précisément par rapport à ces zones, quelles sont les dispositions urbanistiques qui encadrent la constructibilité en leur sein.
Il faut souligner qu’ « une autorisation de construire du ministre ayant l’Environnement dans ses attributions ne sera plus nécessaire pour les constructions en « zone verte bis » répondant aux critères définis dans le PAG.
La « zone verte bis », n’est en ce sens plus vraiment une « zone verte » au sens traditionnel du terme, puisqu’une fois créée (sa création nécessite l’approbation du ministre de l’Environnement), les constructions en son sein échapperaient à la compétence dudit ministre.
Pourquoi c’est une fausse bonne idée ?
Une analyse superficielle du texte conduirait à saluer la volonté du Gouvernement, qui souhaite trouver une solution pour les constructions existantes (souvent des maisons d’habitation construites par le passé sur des terrains qui étaient constructibles suivant les PAG de l’époque) en zone verte, (sont notamment visés des hameaux ou des groupes de constructions isolées), afin de permettre des possibilités raisonnables de rénovation et d’adaptation de celles-ci aux besoins légitimes de leurs propriétaires (ajout d’un garage, ajout d’une petite extension supplémentaire pour les besoins d’un enfant à naître, amélioration des performances énergétiques du bâtiment, etc.).
Toutefois, le projet de loi révèle en réalité un problème plus fondamental, que nous constatons depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2018, lequel a été souligné à maintes reprises par la Cour administrative notamment dans ses arrêts du 20 juillet 2022, et qui est inhérent à la manière dont est appliqué le droit de l’Environnement ces dernières années au Luxembourg, suivant laquelle, souvent, une interprétation au sens strict du texte, prime sur la prise en considération des objectifs de protection de la nature.
Au fond, la volonté de la création d’une « zone verte bis », ne s’explique qu’en raison de la rigidité du régime juridique applicable aux constructions existantes en zone verte selon l’article 7 de la loi du 18 juillet 2018, pourtant plusieurs fois modifié, mais encore et surtout de l’application à la lettre de la loi par le ministère et souvent en dépit des principes de réalisme, de cohérence et de proportionnalité.
Au lieu de simplifier et de « déverrouiller » de manière générale les prescriptions applicables aux constructions existantes en zone verte (comme c’était le cas sous la loi du 19 janvier 2004 – étant précisé que l’on pourrait envisager davantage de précision dans le texte pour éviter le reproche de l’arbitraire qui était opposé à la loi de 2004), le problème est contourné par la création d’une « zone verte bis ». Le législateur crée par ce biais des dispositifs nouveaux, dérogatoires, particuliers, qui impliquent une complexité croissante de la loi (il faut également considérer en parallèle le projet de loi n° 8449 qui vise aussi à modifier une série d’articles de la loi du 18 juillet 2018, ce qui ne simplifiera évidemment pas son application).
Autrement dit, l’on crée une « zone verte bis », parce que le régime juridique de la zone verte elle-même, est dysfonctionnel, plutôt que d’apporter un peu plus de flexibilité pour les constructions existantes en zone verte, qui ne correspondent pas ou plus aux affectations y admises.
Il faut préciser que le régime spécial de la « zone verte bis », ne s’appliquera pas aux constructions existantes, dès l’entrée en vigueur de la modification projetée. Il faudra préalablement que les différentes administrations communales, se saisissent de cette possibilité en entamant de nouvelles procédures de modification du PAG pour reclasser ces immeubles existants en « zone verte bis », ce qui suppose une volonté politique pour aller dans ce sens, mais encore des dépenses à ajouter aux budgets communaux puisque la modification du PAG suppose la réalisation d’études urbanistiques, ainsi que la réalisation d’études environnementales laborieuses et coûteuses par des bureaux spécialisés agréés par le ministère de l’Environnement.
En plus, le projet de loi ajoute comme condition à la création d’une « zone verte bis », que les constructions qui y sont reprises, « existent depuis au moins vingt ans. La preuve de l’existence de la construction depuis au moins vingt ans incombe à l’administration communale ». On peut s’étonner de cette condition supplémentaire alors que la loi du 18 juillet 2018, dans sa rédaction actuelle, considère comme « légalement existantes », toutes les constructions ayant été autorisées par le passé, et assimile aux constructions « légalement existante » en zone verte, toutes les constructions qui, bien que construite sans autorisation ministérielle (et donc, en infraction pénale), bénéficient d’une prescription pénale (acquise cinq années après l’achèvement de la construction). Le projet de loi aurait pour conséquence de créer une nouvelle distinction concernant les constructions légalement existantes en zone verte.
Enfin, il faut souligner le fait que le mécanisme proposé par le Gouvernement existe en réalité déjà dans la législation actuelle. En effet, le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d'aménagement général d’une commune permet déjà aux communes, en application de son article 7, de créer des « zones spéciales », « si les caractéristiques ou les particularités du site l’exigent ». Rien n’empêche une commune de nommer cette zone spéciale « zone verte bis », tout en y encadrant et restreignant les possibilités de construction afin d’éviter une extension de l’urbanisation à cet endroit. La seule limite actuelle à cette pratique (beaucoup de commune ont voulu trouver une solution aux constructions existantes en zone verte dans le cadre de la refonte de leurs PAG), est la politique du ministère de l’Environnement qui a refusé l’approbation de nombreuses modifications du PAG qui proposaient de tels classements pour des constructions existantes en zone verte. Dans trois arrêts du 22 mai 2025 concernant le PAG de la commune de Differdange, la Cour administrative a annulé un refus d’approbation par l’autorité de tutelle, de la démarche communale visant à créer une zone spéciale visant à « sortir » de la zone verte des immeubles faisant partie d’un hameau isolé, tout en y permettant des possibilités d’adaptation et d’agrandissement modérées :
https://ja.public.lu/50001-55000/52152C.pdf
https://ja.public.lu/50001-55000/52150C.pdf
En conclusion, nous estimons que le problème des constructions existantes en zone verte est plus politique (la conception du ministère de l’Environnement à leur égard), que juridique. Dans une optique de simplification administrative et procédurale, il serait beaucoup plus pertinent de modifier le régime juridique de toutes les constructions légalement existantes en zone verte directement dans la loi, plutôt que de permettre aux communes de créer des « zones vertes bis », ce qu’elles peuvent légalement déjà faire en réalité.
Plurimae leges pessima respublica
Maître Sébastien COUVREUR
Avocat à la Cour - Partner