Droit immobilier

Réforme en matière de logements abordables (PAP NQ)

La chambre des Députés a voté, ce 10 juin 2025, la réforme sur les logements abordables (article 29bis de la loi modifiée du 19 juillet 2004).

 

[Update :A la suite du vote des Députés, la loi du 27 juin 2025 modifiant la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, est entrée en vigueur le 22 juillet 2025. Le ministre des Affaires intérieures et le ministre du Logement et de l'Aménagement du Territoire ont publié une circulaire détaillant les nouveaux dispositifs :

https://maint.gouvernement.lu/fr/circulaires/circulaires2025/circulaire-2025-055.html]



 

 

L’article 29bis avait été inséré dans la loi précitée par la loi du 30 juillet 2021 (dite « Pacte logement 2.0 ») relative au Pacte logement avec les communes en vue d'augmenter l'offre de logements abordables et durables.

 

Cette loi avait pour objectif principal l’augmentation de l’offre de logements abordables au niveau communal et leur maintien dans le patrimoine des promoteurs publics (alors que sous le régime ancien, relatif aux logements à coût modéré, ces logements pouvaient être vendus ou loués par des promoteurs privés voire ultérieurement cédés sur le marché libre), la mobilisation des terrains à bâtir (instauration du plan d’action local logement – PAL - et du conseiller logement), et l’amélioration de la qualité résidentielle.

 

Aussi, l’article 29bis, dans sa mouture initiale, s’appliquait à tout PAP NQ dont la procédure d’adoption avait été entamée à partir du 19 février 2022 (voir notre article à ce sujet).

 

Il retenait, en substance, par rapport à l’ancien régime de l’article 29 de la loi modifiée du 19 juillet 2004, une augmentation des ratios de logements abordables à réaliser par les promoteurs dans le contexte des PAP nouveaux quartiers, et un mécanisme de cession obligatoire des terrains, respectivement des quote-part terrain et des logements abordables, des promoteurs privés vers les promoteurs publics, moyennant une compensation en nature, à savoir une rehausse des coefficients de densité applicables à la zone soumise à PAP NQ, et un paiement des m2 des logements abordables à prix coûtant.

 

Nous précisons qu’au niveau de la détermination du prix coûtant, le projet de loi prévoit de plafonner celui-ci par un ajout dans le texte de l’article 29bis : « La valeur de la cession des logements abordables tient compte du prix de réalisation, sans pouvoir dépasser les montants maximaux éligibles prévus à l’article 14 de la loi modifiée du 7 août 2023 relative au logement abordable, et la quote-part de fonds correspondante est cédée conformément au paragraphe 5 »).

 

Nous renvoyons à notre article  pour le détail du régime de l’article 29bis.

 

Nous examinons ci-après les points importants de la réforme qui vient d’être voté et qui sera prochainement publiée au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg :

 

1.      Disposition transitoire

 

Selon l’article 5 du projet de loi n° 8481 adopté par la Chambre des Députés, l’article 29bis, dans sa teneur avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, continue à s’appliquer aux plans d’aménagement particulier « nouveau quartier » dont la procédure d’adoption a été entamée avant le 1er janvier 2026.

 

Cette disposition s’applique également à la modification de ces projets de plans d’aménagement particulier « nouveau quartier ».

 

Autrement dit :

 

- Le régime des logements à coût modéré, s’applique à tout PAP NQ dont la procédure d’adoption avait été entamée jusqu’au 18 février 2022 au plus tard (ou pour la modification de ces PAP NQ).

 

- Le régime de l’article 29bis, version initiale (résultant de la loi Pacte Logement 2.0), s’appliquera pour tout PAP NQ dont la procédure d’adoption a été entamée à partir du 19 février 2022, jusqu’au 31 décembre 2025 ou pour la modification de ces PAP NQ).

 

- Le régime de l’article 29bis, nouvelle version, s’appliquera pour tout PAP NQ dont la procédure d’adoption sera entamée à partir du 1er janvier 2026 (ou pour la modification de ces PAP).

 

Il est donc important que les promoteurs/développeurs, prennent conscience de ces différences de régimes juridiques applicables pour décider soit d’introduire leur PAP auprès du collège des bourgmestre et échevins de la commune concernée avant le 1er janvier 2026, soit après.

 

Pour pouvoir trancher de l’intérêt de se placer dans un régime plutôt qu’un autre, une analyse au cas par cas sera requise.

 

2.      Harmonisation des seuils

 

Le projet de loi adopté par la Chambre simplifie les seuils imposés en matière de création de logements abordables, mais augmente légèrement le nombre de logements abordables à réaliser de manière globale, au niveau national.

 

a)      Le régime actuel

 

Selon la version actuelle de l’article 29bis, les pourcentages de surface construite brute à réserver à la réalisation de logements abordables, sont répartis comme suit :

 

-          PAP NQ qui prévoit un nombre de logements entre 10 et 25 unités : 10% de la SCB

-          PAP NQ qui prévoit un nombre de logements supérieur à 25 unités : 15 % de la SCB

 

Lorsque le PAP NQ couvre des fonds reclassés d’une zone autre qu’une zone d’habitation ou zone mixte en une zone d’habitation ou une zone mixte par une modification du plan d’aménagement général, la part de la surface construite brute de ces fonds à réserver à la réalisation de logements abordables est calculée comme suit :

-          PAP NQ qui prévoit un nombre de logements entre 5 et 9 unités : 10 % de la SCB

-          PAP NQ qui prévoit un nombre de logements entre 10 et 25 unités : 15% de la SCB

-          PAP NQ qui prévoit un nombre de logements supérieur à 25 unités : 20 % de la SCB

 

 

b)     Version projetée de l’article 29bis nouvelle mouture

 

 

-          PAP NQ qui couvre des fonds classés en zone d’habitation ou en zone mixte et qui prévoit un nombre de logements supérieur ou égal à 10 : 15% de la SCB

 

 -          Lorsque le PAP NQ couvre des fonds reclassés d’une zone autre qu’une zone d’habitation ou zone mixte en une zone d’habitation ou une zone mixte par une modification du plan d’aménagement général, la part de la surface construite brute de ces fonds à réserver à la réalisation de logements abordables est portée à 20% de la SCB.

 

c)      Observations

 

On remarquera donc que pour les petits PAP (entre 10 et 25 unités de logement), la part du logement abordables obligatoire passe de 10 à 15%.

 

Pour ces PAP, il peut donc être dans l’intérêt du promoteur d’introduire son PAP en procédure avant l’entrée en vigueur du nouveau régime, c’est-à-dire avant le 1er janvier 2026. Il faudra toutefois vérifier également les autres conséquences potentiellement positives ou négatives du projet de loi (notamment les modifications au niveau de l’absence de prise en compte de la DL pour les logements abordables, cfr infra) en fonction des circonstances propres à chaque projet.

 

On observe également que le législateur précise désormais que l’obligation de réaliser des logements abordables se limite aux PAP NQ qui exécutent des zones d’habitation et des zones mixtes.

 

Il sera ainsi possible de « contourner » cette obligation légale dans le cadre de la mise en œuvre d’une zone spéciale qui admettrait la création de logements par exemple.

 

3.      Précisions quant au calcul de la contrepartie en nature

 

Selon l’article 29bis, dans sa version actuelle, les promoteurs privés sont obligés de céder sans contrepartie financière, les terrains ou les quote-part de terrain destinés à accueillir les logements abordables (qui prendront la forme de maisons unifamiliales ou résidences). La contrepartie est une contrepartie en nature : une rehausse du potentiel constructible. On permet en théorie au promoteur de pouvoir construire d’avantage de m2 de logements sur le marché libre, ce qui doit compenser la cession des terrains ou quote-part terrains réservés aux logements abordables et cédés aux promoteurs publics. Ce mécanisme a été réfléchi par le Législateur pour éviter le reproche d’une expropriation en l’absence d’une juste indemnité.

 

La loi retient, dans sa rédaction actuelle, que « Les fonds réservés aux logements abordables ou, le cas échéant, les logements abordables avec leur quote-part de fonds correspondante sont cédés conformément aux dispositions respectivement du paragraphe 5 et 6 à la commune, et en cas de renonciation par la commune au ministre ayant le Logement dans ses attributions représentant l’État conformément aux dispositions du paragraphe 7. Un promoteur public autre que la commune peut se substituer au ministre ayant le Logement dans ses attributions en cas de renonciation par l’État.

 

(…)

 

En contrepartie à la prédite cession de fonds, le degré d’utilisation du sol destiné exclusivement à du logement à respecter par le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » qui est défini dans le plan d’aménagement général, est augmenté de 10 pour cent. Le plan d’aménagement général ne doit pas être modifié conformément aux articles 10 à 18 pour tenir compte de cette augmentation. »

 

Les termes de la loi n’étant pas univoques quant à la manière de calculer cette hausse de 10% des coefficients de densité, la nouvelle loi vient la préciser.

 

Il sera ainsi retenu désormais que « Pour tout plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » visé au paragraphe 2, le coefficient d’utilisation du sol destiné exclusivement à du logement à respecter par le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » qui est défini dans le plan d’aménagement général, est augmenté de 10 pour cent. Le coefficient d’occupation du sol et le coefficient de scellement du sol, qui sont définis dans le plan d’aménagement général, sont alors augmentés dans les mêmes proportions ».

 

Il faut préciser encore que désormais, le coefficient de densité de logement (DL), prévoyant un nombre maximal d’unités de logements par hectare brut, n’est plus augmenté de 10%. Le Législateur a décidé d’exclure les logements abordables du calcul de la DL :

 

« Les dispositions du plan d’aménagement général ayant trait à la densité de logement, le nombre de logements admis par immeuble et le nombre de logements à réaliser sous forme de maisons unifamiliales ne s’appliquent pas aux logements abordables à réaliser en application du présent article ».

 

Cette disposition est à accueillir chaleureusement, alors qu’elle permet plus de flexibilité dans le chef des communes et des promoteurs pour définir le nombre d’unités de logements abordables à réaliser dans le cadre d’un PAP NQ (du moment que la SCB minimale à réserver aux logements abordables est atteinte), ce qui permet de mieux adapter les surfaces de ces logements mais aussi, les surfaces des logements du marché libre, aux réalités économiques et sociales (on évite ainsi par exemple de devoir réaliser des logements abordables de 200m2 de surface construite brute).

 

4.      Exclusion de certains logements spécifiques du calcul

 

La pratique ayant démontré qu’il n’était pas pertinent ou approprié d’imposer la réalisation de logements abordables dans le cadre de projet de logements de nature particulière, le Législateur a décidé d’exclure certaines typologies de l’application du mécanisme de l’article 29bis :

 

« Ne déclenche pas l’application du mécanisme prévu au présent article, la construction de logements situés dans les :

1° structures médicales ou paramédicales ;
2° structures d’hébergement pour personnes âgées et centres de jour pour personnes âgées au sens de la loi modifiée du 23 août 2023 portant sur la qualité des services pour personnes âgées ;

3° structures d’hébergement réservées au logement provisoire de demandeurs de protection internationale, de réfugiés, de personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et de personnes pouvant bénéficier de la protection temporaire ;

4° internats. ».

 

L’on regrettera que le Législateur n’a pas poussé plus loin la réflexion vis-à-vis des structures de logements pour personnes âgées qui n’entrent pas dans la notion de « structure d’hébergement pour personnes âgées », qui vise les anciens CIPA et les maisons de soin. A côté de ces structures, l’on retrouve cependant d’autres constructions spécifiquement dédiées aux personnes âgées, qui présentent un degré d’autonomie plus élevé, mais qui nécessitent tout de même certains soins et une certaine vigilance. Ainsi en est-il des « logements vendus ou loués sous une dénomination visant des personnes âgées » au sens du chapitre 8 de la loi du 23 août 2023, qui remplace notamment l’ancienne terminologie de « logements encadrés pour personnes âgées ».  

 

5.      Possibilité pour le PAP de déroger au PAG en ce qui concerne les emplacements de stationnement

 

La pratique a également démontré que tant la réhausse des coefficients de densité, que le nombre de logements abordables à réaliser en supplément des logements du marché libre, pouvait donner lieu à des difficultés en ce qui concerne la possibilité de concevoir respectivement de trouver l’espace requis pour les emplacements de parking imposés en application du PAG (en particulier pour les communes qui disposent de coefficients élevés en la matière).

 

Le Législateur a donc prévu d’insérer à l’article 26 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 que « Par dérogation à l’alinéa 1er, le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » peut déroger au nombre d’emplacements de stationnement fixé par le plan d’aménagement général, à condition qu’une telle dérogation s’avère nécessaire pour améliorer la durabilité en matière de mobilité dans l’intérêt du plan d’aménagement particulier concerné. Dans ce cas, le rapport justificatif visé à l’article 29 est complété par un concept de mobilité spécifique ».

 

L’on remarquera que cette possibilité de dérogation du PAP NQ vis-à-vis du PAG, qui tempère ici la hiérarchie entre les deux instruments de planification, n’est pas limitée aux PAP NQ qui prévoient la création de logements abordables. Ainsi, de manière générale, un PAP peut déroger en principe, quant aux emplacements de stationnement, au PAG.

 

Une telle disposition existe déjà dans certains PAG du pays, notamment dans la capitale, qui admet la possibilité de déroger aux exigences de stationnement pour des PAP présentant un concept « sans voiture » (voir le PAP « vivre sans voiture » au Limpertsberg).

 

6.      Plus d'informations


Le Ministère des affaires intérieures, met à disposition sur son site internet de multiples outils à destination notamment des promoteurs et des communes. On y retrouve ainsi des propositions de conventions pour différents cas de figure, ainsi que des tableurs permettant de faciliter les calculs des coefficients de densité et du nombre de m2 SCB de logements abordables à réaliser :

 

https://maint.gouvernement.lu/fr/dossiers/2021/art29bis.html

 

Les modifications législatives ci-avant évoquées devraient entrer en vigueur sous peu, après leur publication dans le Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg.

 

Maître Sébastien COUVREUR - Avocat à la Cour - Partner

 

 

 

 

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