Droit immobilier

Pacte Logement 2.0 : s’ils le peuvent, les promoteurs doivent réagir rapidement !

 

 

Pacte Logement 2.0 : s’ils le peuvent, les promoteurs doivent réagir rapidement !

 

Le 30 juillet 2021, était adoptée la loi « relative au Pacte logement avec les communes en vue d’augmenter l’offre de logements abordables et durables » (tout un programme en apparence…), pour une durée d’un peu plus de dix ans (« Le Pacte logement prend fin au 31 décembre 2032 »).

 

 

Cette nouvelle loi comporte principalement des dispositions applicables entre les pouvoirs publics étatiques d’une part, et communaux d’autre part :

 

 

- conventions à conclure entre l’Etat et les communes en vue de mettre en œuvre les objectifs du Pacte logement2.0. à savoir :

 

a) augmenter l’offre de logements abordables et durables ;

b) mobiliser le potentiel foncier et résidentiel existant ;

c) améliorer la qualité résidentielle,

 

 

- établissement d’un programme d’actions,

 

 

- dotations financières de l’Etat aux communes, etc.

 

 

Ces dispositions n’impliquent pas directement d’obligations nouvelles pour le secteur privé et ne seront dès lors pas analysées dans le cadre du présent article. Elles n’impacteront pas directement la promotion immobilière. Des conséquences indirectes sur ce secteur sont toutefois possibles, des lors que l’activité des communes (principalement) peut avoir des incidences favorables (augmentation de la densité de construction dans certains quartiers, via une modification du PAG, par exemple), ou défavorable (recours plus large au droit de préemption, par exemple), au secteur privé.  

 

 

En revanche, l’article 10 de la loi du 30 juillet 2021 vise quant à lui à modifier la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, en y insérant un nouvel article 29bis sur le thème des « logements abordables[1] » (à ne pas confondre avec la notion actuelle de « logements à coût modéré ») et est de nature à avoir une incidence directe sur l’activité de promotion immobilière.

 

 

Cette modification de la loi du 19 juillet 2004 n’est pas seulement terminologique puisque d’une part, les ratios imposés aux promoteurs pour la réalisation de logements « à coût modéré », respectivement de « logements abordables » vont augmenter, et d’autre part, les modalités de commercialisation de ces logements se verront profondément modifiées.

 

 

Par ailleurs, l’article 12 de la loi du 30 juillet 2021 vise lui la modification de l’article 11, paragraphe 2, 9° de la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire qui concerne le ratio de logements à coût modéré à réaliser dans les « zones prioritaires d’habitation », prévues par le plan directeur sectoriel logement.

 

 

Ces modifications législatives vont engendrer un bouleversement de l’activité de développeur/promoteur immobilier, et risquent d’engendrer une nouvelle hausse des prix de l’immobilier en créant un hiatus entre les prix pratiqués pour les nouveaux « logements abordables », et les autres logements « classiques », qui risquent alors de devenir « non-abordables », ce paradoxe terminologique soulignant à lui seul, à notre estime, le problème de réflexion à la base de la loi Pacte Logement 2.0.

 

 

I. Le champ d’application de la loi Pacte Logement 2.0.

 

La question du champ d’application ratione temporis de la loi Pacte Logement 2.0. revêt une importance financière et opérationnelle capitale pour les promoteurs.

 

 

En effet, la nouvelle loi comporte une disposition transitoire en son article 14, qui énonce :

 

« L’article 29, paragraphe 2, alinéa 4, de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain est abrogé. Il continue à s’appliquer aux plans d’aménagement particulier « nouveau quartier » dont la procédure d’adoption est entamée au plus tard dans les six mois suivant la publication de la présente loi. Cette disposition s’applique également à la modification de ces plans d’aménagement particulier « nouveau quartier ».

 

 

Autrement dit, les procédures d’adoption de PAP entamées moins de six mois après la publication de la loi Pacte Logement 2.0., (ce qui vise aussi les procédures entamées même avant la publication de la loi), restent soumises à l’article 29, paragraphe 2, alinéa 4 de la loi de 2004[2].

 

 

A l’inverse, les procédures d’adoption de PAP introduites après l’écoulement d’un délai de six mois après la publication de la loi Pacte Logement 2.0., seront soumises à l’article 29bis de la loi modifiée du 19 juillet 2004. C’est ce nouvel article qui redéfinit les ratios de logements abordables à réaliser par le promoteur ainsi que les mécanismes et obligations encadrant cette nouvelle disposition (abordée plus en détail dans la suite du présent avis).

 

 

Sachant que la publication de la loi du 30 juillet 2021 s’est faite au Journal Officiel en date du 18 août 2021, la date butoir à prendre en compte est le 18 février 2022. C’est après cette date que les nouveaux mécanismes institués par la loi Pacte Logement 2.0. s’appliqueront (c’est-à-dire aux procédures d’adoption de PAP entamée après cette date).

 

 

Pour les terrains repris dans une « zone prioritaire d’habitation », au sens du règlement grand-ducal du 10 février 2021 rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « logement », il faut encore avoir égard à l’article 12 de la loi Pacte Logement 2.0. qui retient :

 

« À l’article 11, paragraphe 2, point 9° (de la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire), le texte est modifié comme suit :

 

‘imposer que :

 

a)    par exception à l’article 29, paragraphe 2, alinéa 4, de la loi précitée du 19 juillet 2004, chaque plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » qui prévoit un nombre de logements supérieur à 25 unités et qui exécute une zone destinée à être urbanisée affectée principalement ou accessoirement au logement et mise en œuvre dans le cadre d’une zone superposée découlant d’un plan dans le cas prévu à l’article 1er, paragraphe 2, points 14° et 15°, consacre au moins 30 pour cent de la surface construite brute destinée au logement :

-      à la réalisation de logements à coût modéré, destinés à des personnes répondant aux conditions d’octroi des primes de construction ou d’acquisition prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, et

-      à des logements locatifs visés par les articles 27 à 30ter de la loi précitée du 25 février 1979 ;

 

b)    par exception à l’article 29bis, paragraphe 2, de la loi précitée du 19 juillet 2004, pour chaque plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » tombant dans le champ d’application de l’article 108quinquies, alinéa 1er, de la loi précitée du 19 juillet 2004 qui prévoit un nombre de logements supérieur à 25 unités et qui exécute une zone destinée à être urbanisée affectée principalement ou accessoirement au logement et mise en œuvre dans le cadre d’une zone superposée découlant d’un plan dans le cas prévu à l’article 1er, paragraphe 2, points 14° et 15°, au moins 30 pour cent de la surface construite brute maximale à dédier au logement sont réservés à la réalisation de logements abordables tels que définis à l’article 29bis, paragraphe 1er de la loi précitée du 19 juillet 2004. Dans ce cas, et sans préjudice de l’article 29bis, paragraphe 5, de la loi précitée du 19 juillet 2004, la cession des fonds réservés au logement abordable peut donner lieu à une contrepartie complémentaire lorsque la part de la surface construite brute à réserver à la réalisation de logements abordables dépasse celles prévues à l’article 29bis, paragraphe 2, de la loi précitée du 19 juillet 2004. ».

 

 

Quelle date précise est-elle à prendre en considération ?

 

 

Comme exposé précédemment, les ratios et les modalités imposées aux promoteurs pour la réalisation de « logements abordables » (anciennement « logements à coût modéré »), changeront de manière sensible pour les PAP dont la procédure est entamée après le 18 février 2022.

 

 

Mais il reste à savoir précisément ce que l’on entend par « entamer la procédure » d’adoption d’un PAP. 

 

 

Pour ce faire, et en l’absence de précision dans la loi elle-même, un détour par les travaux préparatoires s’impose.

 

 

Dans sa version naissante, c’est-à-dire au cours du processus de gestation de la loi, la commission du Logement proposa d’insérer dans la loi modifiée du 19 juillet 2004 (article 108 quinquies) le texte suivant :

 

 

« Les dispositions de l’article 29, paragraphe 2, alinéa 4, ne s’appliquent  qu’aux  plans  d’aménagement  particulier  «  nouveau  quartier  »  dont  la  procédure  est  entamée  six  mois après la publication de la présente loi, sur base de l’article 30, alinéa 1er. Les dispositions de l’article 29bis ne s’appliquent qu’aux plans d’aménagement particulier « nouveau quartier », dont la procédure est entamée six mois après la publication de la présente loi, sur base de l’article 30, alinéa 1er »[3].

 

 

Le texte finalement adopté suit la proposition du Conseil d’Etat de faire une disposition transitoire séparée, et reprise dans la loi Pacte Logement 2.0., et non plus un texte qui serait inséré dans la loi du 19 juillet 2004.

 

 

Malheureusement, les documents préparatoires ne sont pas plus explicites concernant la disposition transitoire.

 

 

Mais l’on retiendra que « l’entame de la procédure d’adoption du PAP » doit s’interpréter, dans l’intention des auteurs du projet de loi, au sens de l’article 30, alinéa 1er de la loi modifiée du 19 juillet 2004.

 

 

Cet article retient :

 

 

« Le projet d’aménagement particulier avec, le cas échéant, le rapport justificatif est soumis au collège des bourgmestre et échevins ».

 

 

Dans l’intention des auteurs du projet de loi, l’entame de la procédure d’adoption d’un PAP coïncide dès lors avec le moment où le ou les initiateurs du projet de PAP saisissent le collège des bourgmestre et échevins, de leur dossier de PAP, aux fins de la mise en route de la procédure.

 

 

Les contacts informels avec la commune concernant le PAP avant cette saisine officielle du collège échevinal ne jouent en revanche pas.

 

 

Cette vision des choses fait du sens, étant donné que par la suite, le collège n’a en principe pas le choix que de transmettre le dossier, dans les 30 jours, à la Cellule d’évaluation et il doit également organiser l’enquête publique dans le même délai. Le début de la procédure est donc nécessairement la date où le dossier a été remis entre les mains du collège des bourgmestre et échevins.

 

 

II. Sur le fond - Le régime pour les PAP NQ dont la procédure d’adoption est entamée après le 18 février 2022


1.       Principe

Le nouvel article 29 bis de la loi de 2004 (applicable pour les PAP entamés après le 18 février 2022, donc) a pour vocation d’imposer la réalisation par les promoteurs, de « logements abordables », tel que définis à l’article 2 de la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement, dont un promoteur public, au sens de l’article 16 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, assure l’attribution aux locataires ou aux acquéreurs.

 

Ainsi, contrairement à ce que permettait l’ancien régime, désormais, les « logements abordables » ne pourront plus être commercialisés par les promoteurs eux-mêmes (aux prix du marché, ou à 80-90% des prix du marché, voire d’autres formules, en fonction de ce qui était contractuellement imposés par les communes ; certaines comme la Ville, imposaient des conditions déjà assez drastiques aux promoteurs), mais ils devront être cédés au secteur public. Nous reviendrons ci-après sur les modalités de cette cession.

 

Par ailleurs, la nouvelle disposition a pour but de viser les PAP de moindre envergure (c’est-à-dire en deçà de 25 unités de logement), afin d’y forcer également la création de logement abordable dans ce contexte et elle prévoit, d’autre part, de réserver davantage de surfaces pour la réalisation de ces « logements abordables ».

 

En effet, en ce qui concerne les pourcentages, il est prévu, pour les PAP NQ qui projettent un nombre entre 10 et 25 unités de logement, qu’au moins 10% de la surface construite brute maximale affectée au logement serait à dédier aux logements abordables.

 

Pour les PAP NQ qui prévoient un nombre de logements supérieurs à 25 unités, au moins 15% de la surface construite brute à défier au logement serait à réserver à cette catégorie de logements.

Ces pourcentages s’appliqueront en principe, sauf les exceptions exposées ci-après.

 

2. L’exception en cas de classement en zone d’habitation ou zone mixte (alors que tel n’était pas le cas auparavant)


L’article 29 bis retient l’exception suivante :

« Lorsque le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » couvre des fonds reclassés d’une zone autre qu’une zone d’habitation ou zone mixte en une zone d’habitation ou une zone mixte par une modification du plan d’aménagement général, la part de la surface construite brute de ces fonds à réserver à la réalisation de logements abordables est portée :

1°    à 20 pour cent si le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » prévoit un nombre de logements supérieur à 25 unités ;

2°    à 15 pour cent si le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » prévoit un nombre de logements entre 10 et 25 unités ;

3°    à 10 pour cent si le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » prévoit un nombre de logements entre 5 et 9 unités.

Le plan d’aménagement général donne des renseignements sur les fonds visés par l’alinéa 3, dont le contenu sera défini dans un règlement grand-ducal ».

 

Cette disposition s’applique, par exemple si des terrains classés en zone verte, en zone d’activité, ou toute autre zone qu’une zone mixte ou d’habitation, est reclassée dans une telle zone mixte ou d’habitation.

 

Pour justifier pareille disposition, les travaux parlementaires exposent :  

« En effet, un tel reclassement entraîne une augmentation substantielle de la valeur pécuniaire des fonds concernés justifiant de la sorte une augmentation de l’envergure de la servitude urbanistique en cause ».

 

Notons qu’à ce niveau également, une disposition transitoire est prévue :

« L’article 29bis, paragraphe 2, alinéa 3, de la loi précitée du 19 juillet 2004 s’applique aux plans d’aménagement général dont la procédure de modification est entamée six mois après la publication de la présente loi » (article 14 de la loi du 30 juillet 2021).

 

En d’autres termes, l’exception précitée ne sera applicable que pour les modifications des PAG entamée après le 18 février 2022.

 

 3. Exception si les terrains concernés sont repris dans le plan directeur sectoriel logement

 

Pour les terrains concernés par le plan directeur sectoriel logement, et classés dans la zone prioritaire d’habitation, au moins 30% de la surface construite brute destinée au logement doit être affectée tantôt à la réalisation de logements à coût modéré (si la procédure d’adoption du PAP est entamée avant le 18 février 2022) tantôt à des « logements abordables » (si la procédure est entamée après le 18 février 2022). 

 Ainsi, le principe des 15% de la surface construite brute à dédier aux logements abordables dans les PAP NQ de plus de 25 unités de logement peut se voir être porté à 30% par le plan directeur sectoriel logement.

 

4. La cession aux pouvoirs publics des « logements abordables »

 

La loi retient ce qui suit :

 

a) Cession aux pouvoirs publics

 

« Les fonds réservés aux logements abordables ou, le cas échéant, les logements abordables avec leur quote-part de fonds correspondante sont cédés conformément aux dispositions respectivement du paragraphe 5 et 6 à la commune, et en cas de renonciation par la commune au ministre ayant le Logement dans ses attributions représentant l’État conformément aux dispositions du paragraphe 7. Un promoteur public autre que la commune peut se substituer au ministre ayant le Logement dans ses attributions en cas de renonciation par l’État.

 

(5) Les modalités de la cession de fonds réservés aux logements abordables prévue au paragraphe 4 sont arrêtées dans une convention à établir entre le propriétaire et la commune, le cas échéant dans la convention d’exécution prévue à l’article 36. ».

 

Il est difficile à ce stade de prévoir exactement comment cette cession va s’organiser. Une convention type ainsi que des cahiers des charges types (devant définir le niveau de finition et d’équipement minimal des « logements abordables », sur le modèle de la VEFA) devrait être rédigée par le ministère de Logement et mis à disposition des communes prochainement. Mais l’idée de base est que les maisons unifamiliales désignées comme « logement abordables » soient cédées avec le terrain correspondant. Pour les copropriétés, les appartements/logements abordables seront cédés avec les quotes-parts de terrain correspondant.

 

b) Compensation en nature pour le promoteur 

La loi retient qu’« En contrepartie à la prédite cession de fonds, le degré d’utilisation du sol destiné exclusivement à du logement à respecter par le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » qui est défini dans le plan d’aménagement général, est augmenté de 10 pour cent. Le plan d’aménagement général ne doit pas être modifié conformément aux articles 10 à 18 pour tenir compte de cette augmentation ».

 

Ainsi, le promoteur serait admis, pour compenser la cession des fonds destinés à accueillir les « logements abordables », à augmenter les degrés d’utilisation du sol de 10 %.


Suivant les travaux préparatoires de la loi :

« Dans le cas d’espèce, il s’agit d’une augmentation du degré d’utilisation du  sol destinée exclusivement au logement. Ce potentiel constructible s’exprime  sous  forme  de  coefficients  de  densité  (densité  de  logement  (DL),  coefficient  d’utilisation  du  sol  (CUS),  coefficient  d’occupation  du  sol  (COS)  et  coefficient  de  scellement du sol (CSS)). Dès lors, l’augmentation du degré d’utilisation du sol, telle que prévue, vise notamment une augmentation de la surface construite brute dédiée au logement, voire des surfaces qui feront l’objet des opérations commerciales, et partant, servent de contrepartie à la cession des fonds. Cependant, la simple augmentation de cette surface construite brute mènerait à des logements de tailles trop importantes et parfois à des hauteurs de construction excessives. C’est pour ces raisons qu’il a été opté pour une augmentation généralisée des coefficients précités, permettant ainsi d’organiser, dans le cadre des plans d’aménagement particulier afférents, les surfaces construites brutes de sorte à garantir une intégration harmonieuse des nouveaux quartiers dans les tissus ruraux et urbains existants. C’est ainsi que lesdits coefficients se verront augmentés de 10% »[4].

 

Ceci laisse sous-entendre que la SCB max dédiée au logement suivant le PAG peut être augmentée de dix % par le PAP (via une augmentation du CUS), mais aussi les emprises au sol, les scellements et la DL. Dans un second temps, le ratio de logements abordables doit être cédé à la commune.

 

Notons que comme pour les terrains repris dans le PDS Logement, la cession des logements abordables vise 30% et non 15 ou 20% maximum dans les autres hypothèses, la loi Pacte Logement 2.0. retient, outre la compensation de 10% supplémentaire des coefficients de densité, une « contrepartie supplémentaire » : « Dans ce cas, et sans préjudice de l’article 29bis, paragraphe 5, de la loi précitée du 19 juillet 2004, la cession des fonds réservés au logement abordable peut donner lieu à une contrepartie complémentaire lorsque la part de la surface construite brute à réserver à la réalisation de logements abordables dépasse celles prévues à l’article 29bis, paragraphe 2, de la loi précitée du 19 juillet 2004. ».

 

Nous n’avons pas pu trouver plus de précision quant à cette « contrepartie complémentaire », excepté les explications sommaires issues des travaux préparatoires : « Pour la part de la cession qui dépasse cette contrepartie [c’est-à-dire les 10% de majoration des coefficients de densité], une contrepartie complémentaire est définie entre le cédant et le cessionnaire, par exemple une augmentation supplémentaire du potentiel constructible ou une indemnité financière »[5].

 

En pratique, la mise en œuvre de ce texte sera cependant compliquée. Si les logements abordables sont cédés au Fonds du Logement par exemple, ce dernier ne peut accorder une contrepartie en hausse de constructibilité. Si c’est la commune (peu probable dans les zones prioritaires d’habitation du PDS Logement), elle a certes la possibilité théorique d’augmenter ces coefficients pour compenser la cession des logements abordables, mais comment encadrer précisément cette hausse ? Le problème c’est qu’en matière de PAP, la commune et l’Etat seront en position de force : si le promoteur n’accepte pas les conditions fixées dans les propositions de convention d’exécution (encadrant aussi les cessions des logements abordables), aucune convention ne sera signée et ce, au détriment du promoteur qui ne pourra donc mettre son PAP en œuvre…

 

Le promoteur est donc, dans la plupart des cas, une partie faible dans le cadre de ces négociations.

 

De nombreuses autres questions se poseront inévitablement en pratique, par exemple, étant donné que les coefficients de densité fixé dans le PAG ne constituent pas un droit acquis pour le promoteur, quelle serait sa compensation pour la cession des logements abordables si la commune impose un PAP moins dense que ce que ne permet le PAG ?

 

Nous devons par ailleurs relever déjà des divergences dans l’interprétation des mécanismes prévus par le nouveau texte de loi.

 

En effet, certains comme Monsieur Eric Rosin[6], calculent différemment, puisqu’ils appliquent le pourcentage d’augmentation de 10% après la cession des surfaces destinées aux logements abordables, c’est-à-dire, déduction faite de cette cession. Un tel calcul a bien évidemment pour incidence de changer les chiffres en défaveur du promoteur. 

 

Selon nous toutefois, cette lecture de la loi ne correspond pas au texte, mais une clarification serait inévitable.

 

Le récent tutoriel du ministère de l’Intérieur ne répond malheureusement pas à toutes les questions qui se posent.

 

c) Prix et modalités de cession

La nouvelle loi énonce : « (6) Les modalités et la valeur de la cession des logements abordables, prévue au paragraphe 4, avec leur quote-part de fonds correspondante sont fixées dans une convention à établir entre le propriétaire et la commune, le cas échéant dans la convention d’exécution prévue à l’article 36. Les conventions précitées doivent également contenir les plans de réalisation des prédits logements ainsi qu’un cahier des charges définissant leur niveau de finition et d’équipement.

 

La valeur de la cession des logements abordables tient compte du prix de réalisation et la quote-part de fonds correspondante est cédée conformément au paragraphe 5, alinéa 2.

 

Si les parties ne s’entendent pas sur la valeur des logements abordables à céder, elles désignent chacune un expert. Si les experts sont partagés, les parties font appel à un arbitre. En cas de désaccord sur l’arbitre, celui-ci est nommé par le président du tribunal d’arrondissement du lieu des fonds concernés.

 

L’acte de désignation des experts et, le cas échéant, de l’arbitre règle le mode de répartition des frais de procédure, lesquels sont fixés d’après les tarifs applicables en matière civile. ».

 

L’idée est d’imposer au promoteur la cession des « logements abordables » au prix coutant, c’est-à-dire le « prix effectif » de réalisation, déterminé sur base « des informations contenues dans les plans de réalisation et dans le cahier des charges ».

 

Les détails de cette fixation du prix seront discutés par voie conventionnelle, sauf désaccord entre les parties. Il est possible que ceux-ci soient établis dans la pratique sur base de devis estimatif. Il faudrait alors veiller à prévoir des clauses de révision de prix afin de protéger le promoteur. Ceci est d’autant plus important que l’on connait une période d’instabilité des prix des matériaux.

 

Mais l’idée de base est donc que le promoteur construira les logements abordables pour la commune, sinon subsidiairement pour l’Etat ou un promoteur public, et que cette action ne devrait ni coûter au promoteur, ni lui procurer un bénéfice.

 

d) Incidence sur les autorisations de bâtir


Enfin, la loi Pacte Logement 2.0., retient : « (8) Aucune autorisation de construire portant sur les logements prévus par les plans d’aménagement particulier visés au paragraphe 2 ou sur les logements prévus par phase de réalisation successive conformément à la convention d’exécution ne peut être délivrée avant respectivement la conclusion des conventions visées respectivement au paragraphe 5, alinéa 1 er et paragraphe 7, alinéas 2 et 3 ou l’approbation ministérielle de la convention visée au paragraphe 6, alinéa 5. ».

 

Autrement dit, le promoteur ne pourra obtenir aucune autorisation de bâtir en exécution de son PAP pour bâtir des logements tant que la convention de cession des logements abordables n’aura pas été signée avec la commune, ou subsidiairement l’Etat ou un promoteur public.

 

Ces derniers auront donc, et cela est regrettable, un moyen de pression important pour imposer leurs conditions relatives aux logements abordables (cahier des charges de construction, etc.) de même que celles relatives aux prix de cession et celles relatives aux compensations éventuelles.

 

Afin d’éviter de basculer dans le nouveau régime, les procédures d’adoptions de PAP doivent donc être entamées avant le 18 février 2022.

 

 

Par Maître Sébastien COUVREUR

 



[1] Selon la loi du 30 juillet 2021 (article 2), le « logement abordable », se définit comme :

 « tout logement à coût modéré bénéficiant d’aides à la construction d’ensembles conformément aux dispositions du chapitre 3 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement destiné à la vente ou à la location ainsi que tout logement bénéficiant d’une participation financière de l’État conformément aux dispositions du chapitre 7bis de la même loi ; ».

[2] Lequel énonce : « Pour chaque plan d’aménagement particulier «nouveau quartier», qui prévoit un nombre de logements supérieur à 25 unités, au  moins  10  pour  cent  de  la  surface  construite  brute  à  dédier  au  logement  sont  réservés  à  la  réalisation  de  logements  à  coût  modéré, destinés à des personnes répondant aux conditions d’octroi des primes de construction ou d’acquisition prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, dont les conditions et les prix de vente, respectivement de location sont arrêtés dans la convention prévue à l’article 36 de la présente loi ».

[3] Doc. Parl., n° 7648/7 – Dépêche au Président du Conseil d’Etat du 12 avril 2021.

[4] Doc.Parl., n° 7648/14 Rapport de la Commission du Logement du 8 juillet 2021, page 16.

[5] Doc. Parl, ibidem, p.6

[6]https://paperjam.lu/article/quel-impact-aura-pacte-logemen?utm_medium=email&utm_campaign=14-09-2021%20Matin&utm_content=14-09-2021%20Matin+CID_66e112369ac08563d48c923f67e5b9b2&utm_source=Newsletter&utm_term=LIRE

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