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Projet de refonte globale de la loi communale : les textes sont-ils conformes à leurs propres objectifs ?

Projet de refonte globale de la loi communale : les textes sont-ils conformes à leurs propres objectifs ?

 

 

Le projet de loi n°8218 portant modification de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 et de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain déposé le 17 mai 2023 s'inscrit dans le cadre d'une refonte globale de la loi communale initiée par le gouvernement en 2018.

 

 

La réforme de la loi communale se déroule par étapes successives et plusieurs projets de loi ont déjà été adoptés dans ce cadre.

 

 

Le projet de loi n°8218 se fixe trois objectifs principaux :

 

-         Adaptation des dispositions relatives au fonctionnement des autorités communales ;

-         Modernisation des moyens de participation citoyenne ;

-         Modernisation des moyens de communication et meilleure accessibilité de l'information aux citoyens.

 

 

Quant à l’adaptation des dispositions relatives au fonctionnement des autorités communales


 

Le projet de loi apporte une modification pour faciliter la convocation du conseil communal. Désormais, un nombre réduit de conseillers, et non plus seulement la majorité, pourra demander la convocation du conseil. Cela vise à permettre aux conseillers minoritaires de provoquer des réunions pour discuter de sujets importants et urgents (article 2 du projet de loi).

 

 

La convocation des réunions du conseil communal est modifiée notamment par l’allongement du délai de convocation qui passe de cinq à sept jours pour permettre aux conseillers de mieux se préparer (article 3 du projet de loi).

 

 

L’article 4 du projet de loi vise à établir un cadre minimal pour les commissions consultatives créées par les communes pour uniformiser leur fonctionnement. Actuellement, il existe une grande variabilité dans la composition, le fonctionnement et les attributions de ces commissions. Les principaux points de la modification sont notamment :

 

  • Mission des commissions : elles donneront des avis sur demande du conseil communal, du collège des bourgmestre et échevins, ou du bourgmestre, et non de manière autonome.

 

  • Diffusion des avis : les avis des commissions doivent être diffusés aux membres et aux conseillers communaux et publiés sur le site internet de la commune, sauf pour les avis sur des questions individuelles pour protéger les données personnelles. Le conseil communal doit délibérer sur ces avis dans un délai de trois mois.

 

 

L’article 5 du projet de loi permet au conseil communal de retransmettre ses séances par des moyens audiovisuels. Cette mesure vise à rendre la politique locale plus accessible et transparente, en permettant aux habitants de suivre les débats et les votes des séances publiques sans se déplacer. Bien que certaines communes le fassent déjà, cette pratique serait désormais légalement reconnue et obligatoire pour toutes les communes.

 

 

Le présent projet de loi procède encore à une modification des modalités relatives à la motion de censure. Voici les principaux points :

 

  • Modification du moment de présentation : actuellement, une motion de censure ne peut être proposée que lors de la présentation du projet de budget par le collège des bourgmestre et échevins. La nouvelle proposition permettrait au conseil communal de proposer une motion de censure à tout moment, sauf dans les 12 mois précédant et suivant les élections communales ordinaires.

 

  • Limitation du nombre de motions : il ne pourrait y avoir plus de deux motions de censure entre deux élections communales ordinaires, avec une seule motion autorisée par an.

 

  • Possibilité de motions individuelles ou collectives : le conseil communal pourrait désormais proposer une motion de censure individuelle contre un membre du collège des bourgmestre et échevins, ou une motion collective contre l'ensemble du collège. De plus, la motion devrait inclure des candidats pour remplacer les mandataires remis en cause.

 

 

Ces modifications visent à permettre au conseil communal d'exercer un contrôle plus efficace sur le collège des bourgmestre et échevins en lui permettant de proposer des motions de censure à tout moment, tout en encadrant leur utilisation pour éviter les abus.

 

Quant à la modernisation des moyens de participation citoyenne

 

Le projet de loi témoigne, selon ses propres termes, de la volonté politique de renforcer la participation citoyenne au niveau communal. Il vise à promouvoir une « citoyenneté active » et à favoriser l'intelligence collective au niveau local.

 

 

Voici les instruments de participation citoyenne :

 

  • Référendum communal :

 

Ces référendums peuvent être initiés soit par le conseil communal, soit par les électeurs de la commune, offrant ainsi aux citoyens un moyen direct d'influencer les décisions politiques locales.

 

 

Le résultat d'un référendum peut avoir un effet contraignant ou consultatif, en fonction de l'initiateur.

 

 

Ainsi, le résultat du référendum communal devient contraignant lorsqu’il aura été initié par le conseil communal. Il sera alors contraint d’en exécuter le résultat (par une action ou abstention).

 

 

Pour les référendums à l’initiative des électeurs, le caractère consultatif serait maintenu, par analogie aux dispositions actuelles.

 

 

La période au cours de laquelle un référendum communal pourra être organisé est encadrée. Ainsi, à l'exception des référendums sur la création de nouvelles communes, aucun référendum ne pourra être organisé dans les douze mois précédant les élections communales ordinaires. Les électeurs ne pourront être consultés qu'une fois par semestre et au maximum six fois entre deux élections communales. De plus, pendant la période entre les élections, un seul référendum sur le même sujet peut être organisé.

 

 

Dans son avis du 25 octobre 2023, la Chambre des fonctionnaires et employés publics exprime des réticences concernant l'introduction de limites à l'organisation des référendums communaux, arguant qu'elles pourraient entraver la participation citoyenne. Elle propose également des ajustements concernant la périodicité des référendums en fonction des élections communales et suggère des critères pour déterminer le caractère contraignant des référendums.

 

 

  • Consultation citoyenne :

 

 

Il s’agit de l’ancienne « consultation populaire », renommée pour mieux refléter son caractère citoyen.

 

 

La consultation citoyenne, facultative pour les habitants, vise à recueillir leurs avis sur des questions d'intérêt communal.

 

 

Le droit d’initiative de la consultation citoyenne serait réservé au conseil communal, comme pour la consultation populaire actuelle. En effet, les auteurs du projet de loi ont tenu à le maintenir pour assurer son caractère consultatif et garantir que la consultation citoyenne ne porte uniquement sur les sujets soumis par le conseil communal.

 

 

La participation des habitants est facultative. La consultation citoyenne vise à inclure tous les habitants de la commune, et pas seulement les électeurs.

 

 

Pour assurer la prise en compte des avis recueillis, ces derniers sont inscrits à l'ordre du jour du conseil communal dans les trois mois suivant la consultation, et leur suivi serait publié sur le site de la commune.

 

Par ailleurs, les participants seront informés sur les suites réservées à l’avis.

 

 

  • Initiative citoyenne communale :

 

Inspirée de l'initiative citoyenne européenne, cette nouveauté permettrait aux citoyens d'initier des délibérations au sein du conseil communal.

 

 

La limite d'âge est abaissée à seize ans pour les initiateurs et les signataires de l'initiative citoyenne, dans le but de sensibiliser les jeunes à la participation politique.

 

 

A cet égard, il pourrait être utile d'examiner comment les autorités communales prévoiront de sensibiliser et de former les jeunes citoyens à l'importance de leur participation politique, ainsi qu'aux implications de leurs actions.

 

 

Quant à la modernisation des moyens de communication et l’accessibilité de l'information aux citoyens



Le projet de loi prévoit également des mesures pour « moderniser » les moyens d'information et de publication des communes.

 

 

La dématérialisation et la digitalisation seront encouragées pour rendre l'information « plus accessible » (ndlr : attention tout de même à la volonté d’imposer un « tout numérique » qui risque d’être discriminatoire d’un point de vue générationnel et de limiter in fine la publicité des actions de l’administration) et favoriser une communication fluide entre les élus et les citoyens.

 

Dans cette optique, le projet de loi tend également à apporter des modifications à la loi du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain. La publication par voie d'affichage du dépôt du projet d'aménagement général et du projet d’aménagement particulier est remplacée par une publication sur le site internet de la commune, permettant ainsi aux administrés d'y accéder au format PDF (articles 29 et 32).

 

Nous critiquons vivement cette volonté de supprimer des modes d’information aux citoyens (publication dans au moins 4 journaux publiés au Luxembourg et au Reider communal) pour les remplacer par un mode de publication uniquement par voie numérique, qui pose des problèmes en terme de diffusion aux citoyens, surtout auprès des générations ou de catégories sociales « moins connectées » (accessibilité et visibilité de l’information souvent défaillante - publications sur des pages internet peu fonctionnelles et accessibles, qui nécessite des démarches régulières et pro-actives de la part des tiers intéressés, etc.).

 

Nous estimons qu’un choix en ce sens du Législateur impliquerait une régression dans les droits des citoyens.

 

Le délai de trois jours avant que le plan d'aménagement général/particulier ne devienne obligatoire commencerait à courir à partir de la publication sur le site internet de la commune.

 

***

 

Pour conclure, la refonte de la loi communale vise la mise en place d’une démocratie locale plus dynamique et participative. Certains dispositifs prévus vont cependant directement à l’encontre de cette déclaration d’intention.  

 

 

Il y aura lieu de veiller à l’équilibre qui devra être assuré entre l'autonomie locale et la tutelle ministérielle pour éviter tout risque de dérive ou de centralisation/décentralisation excessive du pouvoir.

 

 

De plus, il convient de garantir que les mécanismes de participation citoyenne soient inclusifs et représentatifs de la diversité des opinions au sein de la communauté, en prenant en compte les obstacles potentiels à la participation telle que les personnes n'ayant pas accès à internet ou ayant des compétences numériques limitées qui pourraient être exclues des consultations en ligne ou des plateformes électroniques, la barrière linguistique, il faudra s’assurer que les consultations ne soient pas menées uniquement dans une seule langue et les connaissances politiques limitées pour certains citoyens qui pourraient ne pas comprendre pleinement les enjeux politiques ou les procédures de participation, ce qui pourrait les dissuader de s'engager.

 

 

Il nous parait hautement regrettable de substituer des moyens d’information au public existants sous format « tangible », respectivement papier, pour les substituer par des moyens exclusivement numériques.  Cette volonté ne participera pas à une meilleure participation citoyenne, mais au contraire, limitera l’efficacité des publications et avis relatifs notamment aux tenues des enquêtes publiques, etc.

 

 

En tenant compte de ces obstacles potentiels, les autorités communales pourraient à l’avenir prendre des mesures pour garantir que leurs mécanismes de participation citoyenne soient accessibles, inclusifs et représentatifs de toute la diversité de la communauté. Cela pourrait impliquer de fournir des traductions et des interprétations, d'organiser des consultations à des heures et des endroits variés, et de sensibiliser activement les citoyens aux opportunités de participation et à leur importance dans le processus démocratique.

 

 

Enfin, il serait intéressant de discuter des mécanismes prévus pour évaluer l'efficacité de ces nouvelles mesures de participation citoyenne et pour apporter des ajustements si nécessaire.

 

 

N.B. : le projet de loi ayant été initié par l'ancien ministre de l'Intérieur, nous suivrons s’il survivra à la nouvelle majorité parlementaire.

 

 

Maître Raffaela FERRANDINO

Avocat à la Cour

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