Droit immobilier

La création d’un logement intégré est-elle un changement d’affectation soumis à permis ?

La création d’un logement intégré est-elle un changement d’affectation soumis à permis ?

 

En vertu de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, « (…) toute réalisation, transformation, changement du mode d’affectation, ou démolition d’une construction, ainsi que les travaux de remblais et de déblais sont soumis à l’autorisation du bourgmestre. ».

 

L’article 39 de la loi précitée ajoute notamment que le règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites, « détermine en outre les modalités des procédures prévues pour la délivrance des autorisations de bâtir. (…) Le règlement peut définir les travaux de moindre envergure pour lesquels une autorisation de construire n’est pas requise. Il peut
prévoir que tout ou partie de ces travaux sont à déclarer au bourgmestre, dans les formes et délais à déterminer par le règlement. ».

 

L’on retient donc de ce qui précède qu’un changement du mode d’affectation d’une construction est soumis à autorisation du bourgmestre, selon les modalités prévues par le règlement des bâtisses. Les travaux de moindre envergure nécessaires ou accompagnant le changement du mode d’affectation peuvent être dispensés d’autorisation ou soumis à une formalité de déclaration auprès du bourgmestre.

 

Encore faut-il savoir, en l’absence de définition des termes retenus par la loi, ce qu’il y aurait lieu d’entendre par « changement du mode d’affectation d’une construction ». Sans vouloir entrer dans ce vaste débat qui nécessiterait de développer tout autant la jurisprudence des juridictions administratives luxembourgeoises, que d’aborder les inspirations belges des dispositions d’urbanismes du Grand-Duché (tout en étudiant dès lors la jurisprudence et la doctrine belge sur les notions d’ « affectation », d’ « utilisation » ou encore de « destination »), nous nous sommes interrogés sur une question précise : est-ce que la création d’un logement intégré doit-elle être considérée comme un changement d’affectation soumise dès lors à autorisation du bourgmestre ?

 

Bien entendu, les travaux nécessaires à la création d’un logement intégré, sont eux a priori soumis à permis, sous réserve que les adaptations du bien ne nécessitent qu’une déclaration voire s’ils sont dispensés de permis et de la formalité de déclaration.

 

Mais si l’on suppose que la création du logement intégré n’implique pas de travaux soumis à permis, par exemple dès lors qu’une maison unifamiliale serait déjà configurée pour permettre ce logement intégré, faut-il néanmoins une autorisation du bourgmestre pour un éventuel changement d’affectation qui s’ensuivrait ?

 

Pour répondre à cette question, il convient tout d’abord de définir le « logement intégré ».

 

Selon l’annexe II du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », le « logement intégré » est « un logement faisant partie d’une maison de type unifamilial et appartenant au propriétaire du logement principal. Le logement ne peut être destiné qu’à la location et doit être subordonné en surface au logement principal ».

 

Pour être en présence d’un logement intégré, il faut donc, suivant le règlement grand-ducal précité :

-        Que ce logement fasse partie d’une maison unifamiliale, ce qui exclut un logement intégré dans les maisons bi ou plurifamiliales ;

 

-        Que ce logement soit donné en location et appartienne au propriétaire du logement principal (il ne peut donc céder ce logement intégré à autrui) ;

 

-        Que ce logement intégré soit accessoire au logement principal, en ce sens qu’il doit avoir une surface inférieure au logement principal. La règlementation ne prévoit pas d’ordre de grandeur du point de vue du rapport de surface entre le logement principal et le logement intégré. Comme il n’y a pas lieu d’ajouter au texte réglementaire, l’on doit retenir qu’il est loisible de réaliser un logement intégré de 99 mètres carrés dans un logement principal de 100 mètres carrés (sous réserve d’une décision de justice qui viendrait affirmer le contraire…).

 

Ajoutons que le règlement grand-ducal précité prévoit une définition pour le terme « logement », qui est la suivante : « On entend par logement un ensemble de locaux destinés à l’habitation, formant une seule unité et comprenant au moins une pièce de séjour, une niche de cuisine et une salle d’eau avec WC. ».

 

Il s’ensuit que contrairement à une idée reçue, le logement intégré peut bien être une unité séparée du logement principal, puisque tous deux répondent à la définition de « logement », et qu’un logement est « une seule unité », de sorte qu’il peut s’agir d’unités séparées comportant chacune au moins une pièce de séjour, une niche de cuisine et une salle d’eau. En outre, les logements doivent être destinés à l’habitation, ce qui suppose qu’ils soient destinés à des personnes qui souhaitent y établir leur domicile, par opposition à une mise à disposition à une clientèle de passage (tel que c’est le cas pour les établissements d’hébergement). La maison unifamiliale est d’ailleurs définie comme « une construction servant au logement permanent et comprenant en principe une seule unité de logement. Un seul logement intégré supplémentaire y est admis. ».

 

Il résulte de la définition de la maison unifamiliale, telle que fournie par le règlement grand-ducal précité, que la création d’un logement intégré dans une telle construction, ne change pas la nature ni l’affectation de la maison, qui reste unifamiliale.

 

Dès lors, nous estimons que la création d’un logement intégré n’opère pas un changement d’affectation et n’est donc pas en soi, soumis à autorisation du bourgmestre.

 

Notons d’ailleurs encore que selon le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d'aménagement général d’une commune, « Les logements intégrés, au sens de l’annexe II du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » portant exécution du plan d’aménagement général d’une commune ne sont pas pris en compte. » dans le calcul de la densité de logement. En d’autres termes, au sens de ce règlement, les logements intégrés ne constituent pas non plus des unités de logement supplémentaires, (par exemple, si la DL est de 100 unités de logement par hectare brut pour un PAP de 3 hectares, le promoteur pourra réaliser théoriquement 300 maisons unifamiliales et 300 logements intégrés, étant rappelé toutefois que les logements intégrés ne sont admis que dans les maisons unifamiliales et non pas dans les bi ou plurifamiliales).

 

Enfin, il faut préciser que selon la loi du 7 août 2023 relative aux aides individuelles au logement, la création de logement intégré s’est vue encouragée par le législateur.  En effet, la loi précitée (article 31) prévoit une prime de 10.000 euros ou de 20.000 euros suivant les circonstances, pour la création d’un logement intégré.

 

Pour l’obtention de la prime, le demandeur doit répondre aux conditions suivantes :

le demandeur est une personne physique majeure au jour de l’introduction de la demande ;

le demandeur n’a aucun autre logement au Grand-Duché de Luxembourg ou à l’étranger ;

le demandeur a obtenu une autorisation de bâtir de l’administration communale compétente avant de réaliser les travaux de transformation ;

le demandeur, qui réunit dans son chef la pleine et exclusive propriété du logement pour lequel l’aide est sollicitée, habite dans un des deux logements après la fin des travaux de transformation, qui est pour lui l’habitation principale et permanente pendant le délai prévu à l’article 33, paragraphe 1er.

 

Notons que ces conditions sont uniquement relatives à l’octroi des aides individuelles au logement. Du point de vue du droit de l’urbanisme, le propriétaire du logement principal et du logement intégré ne doit pas nécessairement avoir sa résidence principale dans l’un des deux logements. Il est admis qu’il loue les deux logements. Il n’est pas exigé non plus qu’il soit une personne physique. Ainsi, une personne morale, telle un promoteur, peut très bien construire des maisons unifamiliales comprenant des logements intégrés, pour louer dans un second temps les deux logements, ou bien pour vendre les deux logements à une même personne.

 

Nous ne manquerons pas de suivre l’évolution législative et jurisprudentielle en la matière.

 

Maître Sébastien COUVREUR

Avocat à la Cour - Partner

 

 

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