Droit immobilier

L’accès du public à l’information environnementale

Gaëlle Lipinski

Êtes-vous résident d’une commune ? Etes-vous locataire ou propriétaire d’un bien immobilier au Luxembourg ? Avez-vous l’intention d’acheter un bien immobilier dans une commune luxembourgeoise ? Vous avez remarqué des travaux de construction à proximité de votre logement ? Une nouvelle route peut-être ? Ou avez-vous entendu dire que la commune dans laquelle vous résidez va modifier son PAG ? Dans l’affirmative, l’accès à l’information environnementale revêt une certaine importance. Cette question est régie principalement par la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, dite Convention d’Aarhus du 25 juin1998, transposée par la loi du 25 novembre 2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement.

Tout à chacun peut avoir besoin d’information environnementale, que ce soit en tant que riverain d’un établissement classé, ou tout simplement en tant qu’habitant d’une commune. D’après la convention d’Aarhus, l’information environnementale est «  toute information disponible sous forme écrite, visuelle, orale ou électronique ou sous toute autre forme matérielle »[1]. L’objectif poursuivi par ces dispositions issues principalement de la Convention d’Aarhus, est « de permettre au public et, en particulier, aux personnes concernées, de faire valoir leurs arguments et suggestions relatifs à des considérations environnementales à un stade précoce afin qu’ils puissent pleinement être pris en considération dès l’élaboration des premiers projets de plans et programmes »[2].

Tout particulier peut ainsi solliciter l’autorité publique pour avoir des informations concernant l’état de l’environnement dans lequel il vit. Cela peut concerner aussi bien l’air, l’atmosphère, l’eau, le paysage, les plans et autres programmes ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement.

La question est de savoir dans quelles conditions le particulier peut avoir accès à l’information environnementale ? A quel type d’information a-t-il accès, et doit-il justifier d’un intérêt particulier pour pouvoir demander cette information ? De même, qu’en est-il si l’autorité communale refuse l’accès à un document d’urbanisme? Ou si la commune décide d’implanter des éoliennes sur un terrain que l’administration communale vient d’acquérir ? En principe, ces textes ont pour but d’améliorer la protection de l’environnement, respectivement de sa qualité. Mais en réalité, cela consiste davantage à permettre au particulier de faire valoir ses droits et intérêts privés auprès de l’autorité publique. Se pose dès lors plusieurs questions :

1. Les bénéficiaires de ce droit d’accès à l’information environnementale, et la notion d’un intérêt à agir

Il existe un véritable droit participatif du citoyen à l’environnement. Les textes applicables renforcent non seulement l’accès à l’information environnementale lorsqu’elle est demandée par toute personne, mais rendent aussi progressivement l’information disponible et diffuse auprès du public sans que celui-ci n’ait à faire la démarche de la demander. Bien que non formulée de manière aussi claire par la législation luxembourgeoise, la législation belge pallie ce manque en définissant la publicité active a trait à des informations qu’une administration met à disposition de sa propre initiative. Dans le cadre de la publicité passive de l’administration, c’est le citoyen qui prend l’initiative de demander des documents administratifs auprès de l’administration. Ainsi, la publicité passive de l’administration implique le bénéfice d’un droit d’accès subjectif[3]

Ainsi, toute personne physique ou morale a le droit de demander des informations environnementales, y compris en tant que « groupe » de personnes physiques ou morales. Le fait qu’il s’agisse de plusieurs personnes physiques ou morales, ou bien d’associations, d’organisations ou de toute autre forme de groupes constitués par ces personnes n’a pas d’incidence sur le droit de demander et d’accéder à l’information environnementale. La notion de « toute personne » vise les personnes qui ne peuvent être légalement assimilées à une autorité publique[4].

Le demandeur d’information environnementale n’est en aucune manière obligé de faire valoir un intérêt lorsqu’il fait la demande auprès d’une administration publique. La jurisprudence a également précisé que «  ni la directive 2003/4/CE ni la loi de transposition du 25 novembre 2005 ne restreignent les informations y visées à des informations générales, de sorte à englober des facteurs n’émanant ou ne concernant qu’une seule personne physique ou morale, mais ayant un impact suffisamment important sur l’environnement »[5]. Ainsi, «  le fait pour l’information sollicitée de ne concerner qu’une seule personne individuelle ne constitue pas une cause de non-application des dispositions de la loi de transposition du 25 novembre 2005 »[6], quand bien même cette personne est un gros consommateur d’électricité par exemple[7].

Le droit d’accès à ce type d’information consacre un véritable droit autonome du public à l’information, y compris lorsque les informations litigieuses sont rendues disponibles dans le cadre d’une autre procédure[8].

2. Nature de l’information environnementale touchée par cette législation

Vu la généralité de la définition de l’information environnementale, les informations susceptibles d’être demandées sont extrêmement diverses. Par conséquent, il peut aussi bien s’agir d’un document d’urbanisme adopté par un conseil communal, qu’une étude d’impact en vue d’un projet immobilier. La jurisprudence administrative luxembourgeoise affirme unanimement que le concept d’information environnementale doit être envisagé d’une manière très large et ne se limite pas aux informations acquises par l’Etat dans le cadre de sa politique générale en matière d’environnement[9]. Ainsi, « l’accès à l’information constitue la règle générale et (…) les dérogations prévues par la loi sont à interpréter de manière restrictive à travers une mise en balance à opérer dans chaque cas particulier entre un intérêt public servi par la divulgation et l’intérêt servi par le refus de divulguer »[10].

3. Les conditions et les formes de communication de l’information environnementale

Si le particulier peut demander à avoir accès à un grand nombre d’informations en matière environnementale touchant aussi bien le droit immobilier luxembourgeois, que le droit de l’urbanisme ou encore de l’aménagement du territoire luxembourgeois, il doit néanmoins introduire une demande précise. Si par exemple, la demande est formulée de manière trop générale par le demandeur, l’autorité publique doit inviter le demandeur dès que possible et au plus tard dans le mois qui suit la réception de la demande par l’autorité publique, à préciser davantage sa demande[11].

L’autorité publique doit respecter certains délais concernant la communication de ces informations, c’est-à-dire dès que possible ou au plus tard dans le mois qui suit la réception de la demande par l’autorité publique.

Le demandeur est aussi en position de demander la mise à disposition des informations sous une forme ou dans un format particulier (y compris sous forme de copies). L’autorité publique est tenue légalement de respecter cet aspect de la demande et de communiquer l’information sous la forme demandée, sauf si l’information est déjà publiée sous une autre forme ou dans autre format, ou bien si elle est fondée à communiquer l’information sous une autre forme ou format.

Au regard de la jurisprudence luxembourgeoise, il existe des obligations de transparence active et passive à la charge des autorités publiques. Ainsi, « les obligations de transparence actives sont celles où l’autorité doit communiquer d’initiative certaines informations au public, tandis que les obligations de transparence passives concernent les cas où l’autorité publique est amenée à répondre à une demande de renseignements de la part de l’administré »[12]. C’est pourquoi, il existe un certain nombre de dispositions obligeant les autorités publiques, que ce soit au niveau national ou au niveau communal, à mettre des informations à la disposition du public sans que les administrés soient obligés de demander cette information. Par exemple, un résident de la ville de Luxembourg, mais aussi toute personne intéressée par cette ville a accès à partir du site Internet à différents documents d’informations concernant les projets et réalisations visant à améliorer l’environnement en milieu urbain. Cela peut être aussi bien des données chiffrées sur la consommation énergétique de la commune, ou l’aménagement de nouveaux espaces verts. Bien que ces informations puissent à différents égards être très détaillées, elles ne répondent pas nécessairement aux questions que peut se poser tout intéressé. C’est pourquoi, il est essentiel de garantir de manière concrète et effective un droit d’accès à l’information environnementale.

4. Comment peut-on avoir effectivement accès à l’information auprès de l’autorité publique?

En principe, l’accès aux informations relatives à l’environnement s’exerce :

  • par la consultation gratuite sur place des registres ou listes publics établis et tenus à jour, sauf lorsque la préservation des documents ne le permet pas,
  • par la délivrance de copies en un seul exemplaire, aux frais de la personne demanderesse, sauf lorsque la reproduction nuit à la conservation des documents concernés,
  • par la transmission gratuite par voie électronique[13].


5. Les cas autorisés de refus de communication de l’information environnementale

Toute règle de droit connaît ses exceptions, l’accès à l’information environnementale ne déroge pas à ce principe[14]. Ainsi, il est prévu qu’une demande peut être rejetée lorsqu’elle est manifestement abusive, ou encore lorsqu’elle est formulée de manière trop générale. De même, l’autorité publique peut refuser de communiquer une information lorsque cela concerne des documents en cours d’élaboration ou des documents et données inachevées. Par contre, dans ce dernier cas, l’autorité publique doit désigner l’autorité publique qui élabore ces documents et le délai de leur finalisation. L’autorité publique peut aussi refuser la communication d’informations d’ordre purement interne sans intérêt pour le public.

Il est bien entendu que la communication des informations relatives à l’environnement demandées se fait sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. Il faut aussi souligner que le demandeur est tenu également de ne pas reproduire, diffuser ou utiliser les informations recueillies à des fins commerciales.

Une demande d’informations environnementales peut encore être refusée lorsque leur divulgation porterait atteinte aux relations internationales, à la défense nationale, à la sécurité ou à l’ordre public. Cela vaut aussi en matière de confidentialité des informations commerciales, industrielles et artisanales aux fins de protéger un intérêt économique légitime, ou lorsque l’information est liée à la confidentialité des statistiques et du secret fiscal, à la bonne marche de la justice, ou encore à la capacité d’une autorité publique de mener une enquête disciplinaire ou une instruction judiciaire. L’autorité publique est également tenue de respecter les données à caractère personnel et les autres droits liés aux personnes auxquels la diffusion de l’information environnementale pourrait porter atteinte. A contrario, le simple intérêt commercial ou concurrentiel du détenteur d’une information environnementale n’est reconnu ni par la loi ni par la jurisprudence comme un motif légitime de refus de divulgation d’une information environnementale[15]

Quel que soit le motif de refus opposé par l’administration publique, il doit être interprété de manière restrictive en tenant compte dans le cas d’espèce de l’intérêt que représenterait pour le public la divulgation de l’information. Il y aura une mise en balance des intérêts des particuliers ou plus précisément du public et l’intérêt public même.

Il faut également souligner que l’autorité publique est tenue de communiquer les informations demandées et non pas forcément l’ensemble du document dans lequel se trouve la ou les informations. En effet, l’autorité publique dispose de la faculté de dissocier les informations, et de mettre partiellement à disposition des informations.

Le refus de mise à disposition de l’information demandée par le public doit être notifié au demandeur par écrit ou par voie électronique si la demande a été faite par écrit.


6. En cas de refus partiel ou total existe-t-il des voies de recours ?

L’autorité publique refusant la communication ou la consultation d’une information environnementale, que ce soit de manière partielle ou totale, doit notifier son refus au demandeur, sous peine de nullité sous forme d’une décision écrite motivée par lettre recommandée avec avis de réception. A noter que le silence gardé pendant plus d’un mois par l’autorité publique dans cette hypothèse vaut décision de refus[16]. Ce délai est porté à deux mois lorsque le volume et la complexité des informations demandées le justifient.

L’auteur de la demande refusée dispose d’un recours devant le président du tribunal administratif statuant comme juge des référés[17]. Il doit être introduit dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision de refus explicite ou à compter de l’expiration du délai d’un ou deux mois en cas de silence de l’autorité publique. L’autorité compétente transmet uniquement au président du tribunal administratif par la voie du greffe les informations litigieuses. Puis, le président pourra enjoindre, sous réserve que le recours est jugé recevable et fondé, à l’autorité publique de rendre disponibles, selon la forme la plus appropriée, les informations environnementales litigieuses en tout ou en partie. Ces ordonnances peuvent être frappées d’appel.

Le non-respect des obligations d’informations du public en matière environnementale, comme par exemple en cas  de révision du plan d’aménagement général n’entraîne l’annulation des décisions prises en violation des ces dispositions « qu’au cas où celui qui s’en prévaut peut faire état d’éléments qui auraient pu et dû être pris en considération à ce stade précoce de la procédure et qui auraient été de nature à influer sur le contenu des plans et programmes à élaborer »[18]. Ainsi, le fait de demander exclusivement l’intégration de parcelles privées à un périmètre d’agglomération sans préciser en quoi cela répond à des considérations environnementales qui auraient pu influencer le vote provisoire du projet de révision du PAG par le conseil communal n’entraîne pas la violation des obligations d’informations du public en matière environnementale dans la jurisprudence luxembourgeoise

Le présent article reflète les impressions et réflexions de l’auteur quant à la question de l’information du public en matière environnementale. Il a valeur purement informative et ne saurait être assimilable à un avis juridique qui engage son auteur ou l’étude KRIEGER Associates.


[1] Article 2.3 de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, dite Convention d’Aarhus du 25.06.1998

[2] Cour administrative, 10 mai 2012, n°29598C et 29618C

[3] Voy. Par exemple l’article 32 de la constitution belge, la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration et la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l’administration dans les provinces et les communes

[4] Tribunal administratif, 12.11.2009, n°26000b

[5] Cour d’appel, 01.02.2007, n°21572C et 21712 C

[6] Cour d’appel, 01.02.2007, n°21572C et 21712C

[7] Tribunal administratif, 16.06.2006, n°21452a

[8] Tribunal administratif, 22.12.1997, n°9768

[9] Voy. Par exemple Tribunal administratif, 16.06.2006, n°21452a

[10] Tribunal administratif, 12.11.2009, n°26000b

[11] Article 3.3 de la loi du 25.11.2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement

[12] Cour d’appel, 01.02.2007, n°21572C et 21712C

[13] Article 5 de la loi du 25 novembre 2005 précitée

[14] Article 4 de la loi du 25 novembre 2005 précitée

[15] Tribunal administratif, 16.06.2006, n°21452a

[16] A noter que cela déroge à la règle de principe de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 selon laquelle « Dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif »

[17] Article 6 de la loi du 25.11.2005 précitée

[18] Cour administrative, 10 mai 2012, n°29598C et 29618C

Retour sommaire